Michel Chevallier présente un roman palpitant : Rome est une femme
Tout d’abord, il convient d’examiner qu’en littérature policière et historique, les drames se déroulant pendant la Seconde Guerre mondiale ont trouvé un vrai public. Qu’il s’agisse de cinéma ou de livres, les amateurs du genre remarquent de nombreux ouvrages concernant l’Allemagne Nazie, l’Union soviétique ou bien la résistance française. Mais les auteurs qui s’attaquent au régime de Mussolini ? Ceux-là sont certainement minoritaires. En cela, le livre de Michel Chevallier se distingue nettement des autres parutions. Rome est une femme a été édité chez l’Harmattan en automne 2020. La couverture dévoile une silhouette féminine arborant une robe sombre ainsi qu’un chapeau. Avec cette symétrie aux couleurs agressives, l’ensemble rappelle bien le totalitarisme et l’autorité…
L’une des forces de ce roman passionnant, qui aspire littéralement le lecteur dans une spirale sous forme d’enquête, c’est bel et bien son ouverture. Pas le temps de s’ennuyer avec une entrée en matière rondement bien menée. Très vite, la cible identifie où elle se situe et pourquoi. Le personnage principal se prénomme Cesare Accardi, un jeune policier qui débute sa carrière. Le texte prend place en plein cœur de la capitale italienne, en 1935. Entre deux guerres mondiales, l’Italie a attaqué l’Éthiopie. Alors que le pays est étouffé, défiguré par le « Duce » qui soutient pleinement Adolf Hitler et le Reich, un autre récit se dessine. Plutôt qu’écrire un roman sur les hautes sphères, Michel Chevallier délivre une fiction qui s’inspire de faits réels mêle un contexte authentique à des actes avérés.
Par exemple, le jeune Cesare est guidé par son chef, le commissaire Gaetano. Tous deux enquêtent sur une tragédie : le corps d’une belle femme a été retrouvé sans vie, étendue sur la plage. Dévêtue et sublime, même dans la mort, le protagoniste est vraiment bouleversé par cette découverte. Il se met aussi à fantasmer sur cette victime, Vantona Vizzi. L’intrigue va donc évoluer autour de cet assassinat ou meurtre, tout en mêlant les songes de Cesare. Celui-ci est ami avec une jeune femme pleine d’énergie, Liana. Puisque le roman est écrit à la première personne, le lecteur est témoin — complice des pensées de ce protagoniste troublé. Plusieurs passages du livre rapprochent le martyr de la jouissance, créant une ambiguïté sexuelle et des sens. Après tout, le sadomasochisme est de plus en plus implanté dans les mœurs de nos jours, mais cette pratique n’est pas l’apanage des Italiens fascistes de la Seconde Guerre mondiale. En réalité, l’Italie de Chevallier offre une vision relativement crédible d’une Italie « schizophrène », car très pieuse d’un côté, résolue à sombrer dans l’obscurantisme de Mussolini. L’auteur choisit d’inclure des références historiques qui nécessitent pourtant une certaine connaissance du contexte et de l’époque. Par exemple, il met en lumière volontairement l’écart social entre les quartiers les plus riches de la capitale et les plus pauvres. Par ailleurs, Cesare affiche des origines plutôt modestes.
Quant aux dialogues, ils sont à la fois spontanés et authentiques, ce qui donne un côté crédible à l’enquête et surtout à l’évolution de Cesare. Il y a une vraie différence et un approfondissement sérieux du personnage, qui lui confère un profil unique. Ses pulsions morbides en font un héros dérangeant et pourtant, l’auteur décide d’en faire un jeune homme attachant, pour qui le lecteur éprouve de l’empathie. Certaines scènes et pensées parasitaires chez lui désorientent, car il semble épris de la défunte Vantona…
Avec un entourage imprégné de racisme et misogynie, Cesare fait comme il peut : de son mieux. Loin de les accompagner dans cette haine constante qui rassemble ces nationalistes extrêmes, le personnage principal et son allié Gaetano désirent ardemment percer la vérité. En réalité, de nombreuses péripéties et éléments imprévus vont perturber cette enquête. D’abord, il semblerait que les autorités cherchent à clore l’affaire au plus vite… Pourquoi ? Les deux policiers ne se contenteront certainement pas d’une clôture de dossier aussi rapide, surtout s’ils n’ont pas mis la main sur le tueur. Après tout, le monstre pourrait récidiver…
Le roman Rome est une femme aborde haut et fort des tabous et secrets honteux. Au-delà des bavures policières et des affaires à cacher, pour ne pas perturber l’ordre public, il offre un pur moment de divertissement. Âmes sensibles s’abstenir, car l’intrigue révèle parfois des instants choquants et sanglants. Pourtant, l’auteur use d’une certaine forme de poésie, grâce à des métaphores et un lexique riche, esthétique. En définitive, ce roman noir est un thriller à la fois classique et unique en son genre. Une lecture addictive, qui saisit le lecteur dès les premiers chapitres et qui ne le lâchera pas jusqu’à la toute dernière page… Un bouquet final inattendu, bouleversant, servi par des personnages réalistes.
Le site de l’auteur : http://michel-chevallier.com/
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